L'enfant
et la mort
ou le coffre maudit !
L'enfant connaît la mort.
Voici l'histoire d'un manuscrit inachevé, désormais enfermé dans un
coffre maudit par la vie !
Après
avoir achevé Renaître orphelin, je pensais continuer ma
collaboration avec Chronique
Sociale. J'ai donc débuté un
nouveau projet, défini avec l'éditeur dans la continuité du thème de
l'orphelin, l'apprentissage
du concept de mort chez l'enfant.
Quelles
différences existe-t-il entre les enfances épargnées par un deuil
traumatique et les enfances meurtries ? En cernant cette inégalité, il
s'agissait d'approfondir les réactions de l'orphelin
face à la nouvelle du décès parental.
Quelle
représentation a-t-il de cette inconnue dévorante, la mort ? Comment se
figure-t-il la disparition de l'être aimé ? Comment la conçoit-il ?
Quel néant risque de s'installer en lui ?
Afin de répondre à ces
questions, il fallait d'abord passer par la généralité de
l'apprentissage. Mes enfants m'ont alors servi de terrain de
recherches, eux que la fatalité a laissé en paix.
Quelles connaissances les enfants
ont-ils de la finitude humaine, selon leur âge et leurs expériences ?
Comment en prennent-ils conscience ? Comment mes enfants l'ont-ils
rencontré, eux qui ont toujours leurs deux parents ?
Car à bien les observer, ils en parlent, y jouent, s'en inquiètent
parfois ... Elle s'intègre à leur quotidien, d'une manière bien
différente de nous ...
Elle participe
de leur développement intellectuel et affectif ...
Aujourd'hui, avec la crise sanitaire que nous vivons, les attentats
qui
touchent nos concitoyens, peut-on vraiment ignorer ce débat de la mort
avec l'enfant
?
A lire
: La pandémie de la Covid-19 abordée avec les enfants
Documentaliste dans l'âme,
j'ai beaucoup cherché, lu et réfléchi. N'étant pas psychologue de
formation, cela m'a demandé bien des efforts de compréhension. Surtout,
je voulais rendre un travail qui soit lisible et clair, illustré par
des exemples de la vie de tous les jours, partagés de tous les parents.
Je partais
sur l'idée qu'il ne faut pas
ignorer les questions des enfants concernant ce mystère aussi
opaque que la naissance des bébés. De telles discussions aident à les
préparer aux réalités de notre vie. Or, ce dialogue spécifique devrait
également s'engager à l'école
puisque l'enseignement de nombreuses matières évoque la mort, humaine,
animale ou végétale. Donner des
cours appropriés au même titre que les leçons sur la sexualité et la
reproduction !
Je voulais aider à désamorcer
la peur que nous avons tous, adultes et parents, face à ce type de sujet, surtout
devant nos petits que nous pensons plus fragiles qu'ils ne le sont
moralement.
Mais voilà !
J'ai buté sur le sujet, pour de multiples raisons personnelles, dont
évidemment sa morbidité ! J'ai enfermé ce manuscrit dans un coffre
placé au fin fond de mon grenier mental. Et je me suis jurée de ne plus
toucher à la mort, elle
qui a suffisamment vidé
mon existence !
Malgré tout, je ne voulais pas que ces deux années, plongées
entièrement dans l'écriture de ce manuscrit, restent vaines.
Chronique Sociale avait accepté sa première mouture (et conserve le document original complet).
Me restait à peaufiner chaque chapitre. J'en ai fini six avant de
craquer définitivement et de délaisser la reprise des suivants,
notamment ceux qui devaient guider les parents et les enseignants. Quelle légitimité avais-je pour donner des
conseils aussi ciblés ? Je n'ai pas cet orgueil ... à moins que le
coaching moral ne soit pas dans ma nature !
Je vous livre ces 6 premiers chapitres
(+ trois thèmes) du coffre maudit.
Je réclame toute votre indulgence et souhaite éveiller votre curiosité.
Quoi que vous pensiez de prime abord, j'ai beaucoup travaillé pour
qu'il ne soit ni triste, ni macabre ... enfin, je pense !
L'enfant connaît la mort
Apprentissage pluriel d'un concept
Les rencontres implicites avec la mort …
Tellement préoccupés à la nier, nous ne prenons plus conscience de
la permanence souterraine de la mort. Nous voulons la vie, tout capter
de la vie, son absolue positivité. Ainsi nous allongeons nos corps au
soleil, avides d'en ressentir les bienfaits sans nous douter (ou sans vouloir y penser) que des
rayons négatifs sapent nos ressources cellulaires.
Cette métaphore renvoie à la réalité nucléaire, à l'énergie profonde de la vie.
Constamment, elle nous bombarde d'éléments positifs comme de particules
négatives. Leurs effets ne s'annulent pas forcément mais souvent se
totalisent au cœur de notre existence et participent de notre identité.
Du plus profond de notre psychisme à
nos relations avec les autres, des éléments ayant trait à la mort
touchent notre sensibilité, nous forcent à réagir, nous assombrissent
ou simplement passent inaperçus. Sans cesse, nous butons sur
des conflits, généralement invisibles, qui mettent en jeu vie et mort.
Or cette dynamique binaire débute avec la vie elle-même et accompagne
l'enfant tout au long de ses différentes strates de développement comme
dans ses rapports familiaux et sociaux.
I - Se développer
sur des conflits de vie et de mort
Sur
le plan psychoaffectif, s’éveiller au monde puis y grandir suivent les
méandres d’un long fleuve ... turbulent.
Constatons le miracle d'une
vie. La rencontre de deux cellules complémentaires réclame
l'élimination de millions d'infortunées. La naissance embryonnaire
impose d'emblée la mort ... Survient ce moment clé de la naissance. Pour en gommer les
multiples dangers, nous l'auréolons de merveilles. Le bébé hurle
pourtant la souffrance d'une déchirure fondamentale. Un premier deuil irréparable ?
Désormais, le bébé apprend à se développer à l'air libre, c'est-à-dire
à perdre et à recomposer l'une après l'autre les sécurités
essentielles, les cocons protecteurs du placenta originel.
Au terme des douze plus jeunes années, la période adolescente
affronte le dernier rempart, non des moindres. Il faut le franchir,
souvent à regrets. Pas à pas, étapes par étapes, observons comment l'enfant rencontre implicitement la mort au
cours de son développement, les multiples éléments en rapport
avec elle et apprend les aptitudes
indispensables aux réalités de la vie : se séparer, perdre,
assumer les deuils. C’est rappeler que toute existence humaine
repose sur la contradiction vie/mort, au plus profond d’elle-même.
Après
avoir
parcouru les principales étapes du développement psychoaffectif de
l'enfant – et avant de cheminer parmi ses expériences fondatrices de
notre monde – abordons les relations
familiales et sociales. L’enfant y puise une large part de ses
représentations mentales.
Nous évoluons tous au cœur de cercles concentriques, de sphères communautaires de taille
croissante. Le couple parental et la
fratrie tissent le cocon primordial, tout juste enveloppé du
reste de la famille proche, grands-parents
en tête. Au niveau supérieur, s'enroule la sphère des relations
extra-familiales d'un environnement quotidien. Les amitiés enfantines s'y insèrent, du
copain à la bande. Elles revêtent une importance capitale pour
l'enfant. Les adultes, dont la fonction accompagne l'éducation,
complètent cette sphère, la place des enseignants
restant déterminante.
Trois
thèmes supplémentaires ont été regroupés en trois chapitres peu
retravaillés. Je vous les livre tels quels ...
1-
La
réflexion continuait en observant les jeunes au sein de nos sociétés
modernes et le regard que les adultes portent sur la jeunesse.
Enfin, à un niveau bien
supérieur, presque abstrait, la sphère sociétale. Nos sociétés
modernes et européennes, largement mondialisées, tout simplement
humaines, déroulent la toile de fond de toute existence individuelle,
une sorte d'arrière-plan, d'horizon lointain. Toutefois, ce décor pèse
d'un poids déterminant dans l’ensemble de nos croyances et l'atmosphère
sociétale constitue l'enveloppe fondamentale dont dépendent les
précédentes. Car un enfant ne grandit
pas selon les mêmes principes, une famille ne se construit pas sur les
mêmes valeurs d'un bout à l'autre de notre planète. Cette sphère
pourrait sembler éloignée des préoccupations enfantines. Elle apparait
cependant essentielle pour comprendre le rapport à la mort et les
ambivalences que nous ressentons tous individuellement. Elle inscrit
également les ambiguïtés et les contradictions qu'établissent les
adultes entre jeunesse, violence, fragilité et fatalité.
2- Ensuite
venait un tour d'horizon de
l'univers imaginaire des enfants, des jeux aux fictions
3-
Enfin, je reprenais les théories existantes sur l'acquisition du
concept chez les enfants, en m'appuyant sur les travaux de R. Lonetto,
H. Romano, M. Hanus, entre autres ...