Cette étude s'est concrétisée par la publication d'un ouvrage
Publication collective, soutenue par la Fondation d'entreprise Ocirp, publiée par les éditions Autrement et dirigée par Magali Molinié
Notre société, comme tous les pays développés, a vu régresser toutes les grandes causes de mortalité (épidémies, guerres, ...) et côtoie la vie avec de grandes interrogations existentielles ("l'éternelle jeunesse en alerte constante" ou "le légume miracle anti-cancer"). Avec beaucoup de soins, nous refoulons l'avancée de l'âge - et son corollaire inéluctable - notre propre fin. Déni de la mort, surinvestissement du sexe, serait-on face à une inversion des tabous ? Se sentir dans le plaisir de la vie, encore et toujours, sans contraintes, sans limitations, sans frustrations ...
"Notre condition d'humain - normalement conscient de sa destinée mortelle - s'en trouve ainsi profondément modifiée."
Vivre un deuil aujourd'hui se révèle une épreuve fort difficile. Car le soutien manque, par peur de se montrer maladroit, gênant - mais avant tout par crainte de partager ces premiers temps de souffrance, vide intérieur effrayant. Les personnes endeuillées se voient coupées de la société, mises à l'écart, avec l'injonction de revenir parmi nos concitoyens rassurés lorsque leur travail d'acceptation de la perte sera dûment accompli et réussi. Quelle serait donc cette terrible action mentale qui consisterait à effacer l'Amour au-delà de la mort ?
Dans ce contexte de désintérêt général, que sait-on encore des veuves et des orphelins ?
Lire sur le web
: "La situation des enfants orphelins
largement méconnue " article paru sur Ouest-France
Des maladies orphelines aux "Les orphelins de 16h" - traqués par la présidence Sarkozy - ou "Les nouveaux orphelins " ou encore "tous les orphelins de la société ": les orphelins paraissent nombreux, dans un vocabulaire qui les trahit ...
Pourtant l'Association des Orphelins de la Police Nationale nous rappelle que certaines professions en France sont davantage exposées aux risques de mortalité précoce et violente. Parmi les vocations à l'avant du danger, les pompiers payent aussi leur tribut fatal : l'Oeuvre des Pupilles Orphelins assiste les familles endeuillées et souligne que les cas augmentent chaque année.
L'image d'Épinal de l'enfant orphelin - gamin des rues, sans abri ni protection - nous renvoie désormais aux "temps anciens" des 19ème et début 20ème siècles, symbolisé par Oliver Twist ou plus récemment par Le Train des orphelins, épisode peu connu de l’histoire des Etats-Unis (P. Charlot, X. Fourquemin, Le train des orphelins, éditions Grand Angle/Bamboo, 2012).
Il est vrai que la réalité contemporaine renvoie les orphelins vers le monde sous-developpé, une vérité qu'il serait terrible d'oublier.
Consulter sur le web : Réseau des Intervenants auprès des Orphelins et autres Enfants Vulnérables au Mali
Orphelins du sida, orphelins et enfants vulnérables (OEV) par "OSI Bouaké, collectif issu de la société civile, sensible à ce que vivent les enfants en Côte d’Ivoire et en Afrique, se mêlant depuis longtemps de « ce qui ne le regarde pas ». Parce que le savoir est une arme et que l’Afrique brûle, Parce que nous ne nous laisserons pas décourager par l’immensité de la tâche, [...]"
ORPHELINS SIDA INTERNATIONAL - Parrainage d’enfants - Aide aux enfants victimes du Sida
Ce manque d'intérêt en France se traduit par le peu d'études psychologiques menées dans notre pays sur les enfants endeuillés. Michel HANUS, récemment décédé, fait figure de notable exception. Ses travaux s'appuyèrent sur les principales références anglo-saxonnes (avec, entre autres, les travaux de J. BOWLBY) et s'associèrent souvent aux chercheurs belges ou québécois.
Est-ce pour autant qu'il faille ignorer définitivement les enfants du deuil, subissant ce qui reste toujours un évènement social, dans un pays qui s'enorgueillit de son dispositif de protection sociale (25 % de son PIB en 2020), notamment en faveur des plus modestes ?
Comment expliquer que la dernière grande étude sur ces enfants date de 1947 (Léon TABAH, « Évolution du nombre des orphelins en France», Population, n° 1, Ined, 1947) ? Pourquoi l'INED, le plus important Institut d'Études Démographiques au monde, habitué à décortiquer les plus infimes perspectives socio-économiques, "oublie" cet aspect de notre société ?
En
2003, A.
MONNIER et S.
PENNEC,
deux
chercheurs
démographes, se penchèrent sur ce sujet
ignoré,
reconnaissants le désintérêt collectif
pour cette
catégorie
d'enfants. Ils établirent une estimation = Ainsi,
les orphelins seraient 500
000,
soient
3%
des jeunes de moins de
21 ans.
Conclusion
des démographes : ces
approximations se
révèlaient trop élevées ....
et
socialement
très disproportionnées.
Publication de l'INED parue en 2003 (Pdf)
Les orphelins de père étaient toujours majoritaires. Les enfants d'ouvriers ou de personnes inactives étaient 2 à 3 fois plus nombreux ...Pourquoi, de nos jours, défendre la veuve et l'orphelin ?
De tout temps, la veuve et son enfant, symboles de drame, de sacrifice ou de faiblesse, furent portés au devant des préoccupations. Que d'autres réalités problématiques aient émergé ne doit gommer la multiplicité de notre société que beaucoup revendique comme plurielle.
Perdre un conjoint avec qui l'avenir se forgeait casse une vie en deux. Mais surtout annonce des années de galère pour assumer seul(e) ce qui se partageait en couple.
En 1939, un biologiste A. LOTKA écrivait : "La dissolution de familles résultant de la mort de l'un ou l'autre des parents, ou de tous deux, est un problème sociologique et économique de première importance." Trois quarts de siècle plus tard, les choses ont-elles évoluées ?
Voir disparaître un père, une mère lorsqu'on est enfant, inflige une blessure émotionnelle et affective durable. Mais la suite se révèle souvent plus traumatique que la perte en elle-même : voir son parent survivant dériver ou accomplir des exploits quotidiens pour tout mener, subir le regard apitoyé ou mesquin des autres, changer sa vie du jour au lendemain, etc.
Lire en Pdf
Le choc originel : de la violence du décès à la solitude précoce
Fatalité ... dites-vous ?
Que le décès soit l'échéance d'une longue maladie ou le choc soudain d'un accident, la jeunesse du défunt devient synonyme d'une cassure violente, profondément injuste. Lorsqu'il s'agit d'un suicide, le traumatisme subi par l'entourage se hisse à la hauteur du geste : radical, incompréhensible. Il faudra beaucoup de temps et un immense travail sur soi pour apaiser la violence des émotions, admettre et pardonner.
Le moment critique des obsèques
Le corps de l'être aimé figé dans l'éternité, la vie reprend ses exigences, dans une obscurité radicale. La semaine suivant le décès se déroule dans une semi conscience des évènements. Les obsèques doivent pourtant s'organiser rapidement pour se dérouler dans les 1 à 6 jours réglementaires. Cette cérémonie exige un budget conséquent, immédiat, imprévu.
Le
jour même dessine une singulière
épreuve où les émotions les plus
fortes se succèdent.
L'enterrement réalisé dans la
compréhension et la solidarité familiale
pourra alors redonner un semblant de sens à cette mort trop
tôt survenue.
Et ensuite .... ? Le deuil, temps infini ?
S'ouvre alors le temps du deuil, temps de grande vulnérabilité morale et physique, d'une douleur intensément nécessaire. Cependant, face aux urgences des premières semaines, le deuil peut se voir mis de côté. Il ressurgira plus tard, avec souvent une violence dommageable.
Les formalités s'imposent, un parcours administratif lourd à gérer.
Quelles conséquences immédiates doit-on calculer ? Déménager ? Retravailler ? Quels droits peuvent-ils s'ouvrir en compensation ?
La famille et les amis répondent-ils présents - sans être envahissants - pour seconder le parent survivant, dans cette période obscure ?
Et les enfants ?
Les enfants entrent dans une période de fortes angoisses où ils ont besoin d'être écoutés, rassurés, aimés. Perdus dans une histoire qu'ils ne comprennent pas, ils s'accrochent à celui qui reste. L'avenir de leur deuil dépendra essentiellement des réactions du parent survivant. Toutefois, il faut reconnaitre que les orphelins vivent - et vivront - un deuil singulier, intense et profond.
Parfois, il est souhaitable que les enfants soient pris - dans les premiers temps - en charge par des tiers (famille, amis) ou placés en foyer à l'Aide Sociale à l'Enfance.
Un rapport, sorti en 2019, étudie la situation de ces enfants orphelins d'au moins un parent et placés à l'ASE. Une population mal quantifiée mais qui représenterait entre 18 à 31% des enfants placés ...
A lire en PDF
FRECHON I., ABASSI E., BREUGNOT P., GANNE C., GIRAULT C., MARQUET L., 2019,
« Les jeunes orphelins placés : quels sont leurs conditions de vie et leur devenir à la sortie de placement ?»
Rapport final CNRSPrintemps, Fondation OCIRP, 132 p.
La solitude ... Trop jeune.
La cellule familiale dissoute, tous les projets d'un avenir commun annulés, il faut recomposer - seul(e)s -.un canevas tissant vers demain des fils suffisamment stimulants pour enfiler les jours.
Dans 40% des veuvages précoces, l'évènement se produit avant 40 ans. Cette jeunesse représente à la fois une force (physiquement parlant) et une faiblesse (morale). Nombreux sont les veufs/veuves déclarant une maladie grave dans l'année du deuil (phénomène du "mortel veuvage").
Tout repose sur le parent survivant, une charge morale et nerveuse qui peut se révéler très lourde.
Au sortir du décès du père/ de la mère, le parent survivant reste seul avec les enfants. Cette situation se classe aujourd'hui dans la catégorie "Famille Monoparentale". Est-ce vraiment une réalité comparable aux effets du divorce ?
D'un parent seul au parent isolé
83% des orphelins vivraient uniquement avec le parent survivant, soit 10% de l'ensemble des enfants de familles monoparentales. Voilà qui n'est pas négligeable ! Désormais les veufs/veuves précoces sont placés au même rang que les célibataires et les divorcés et en partagent nombre de difficultés.
Cependant, cette réalité socio-démographique affiche une problématique propre qui dicte une prise en charge spécifique.
Cette reconnaissance de la situation de veuvage précoce a été préconisée dans une étude commanditée par la CNAF.
Lire en Pdf : Le veuvage précoce - document de L'Ined
Chapitre de Histoires familiales sur le veuvage précoce
A lire sur le web : Le veuvage précoce : se reconstruire après la mort de son conjoint (dossier très complet)
L'École : un enjeu essentiel
Lire en Pdf : l'orphelin à l'école
De nouvelles études alourdissent le constat. Devenir orphelin est « un risque social qui peut modifier la destinée d’un individu » affirme Nathalie Blanpain dans son étude "Perdre un parent pendant l’enfance : quels effets sur le parcours scolaire, professionnel, familial et sur la santé à l’âge adulte", DREES, 2008.
Cette étude est disponible en Pdf
Une enquête (Pdf), à l'initiative de la Favec, avait été lancée en 2012 afin de mieux cerner ce sujet et de soutenir les enseignants concernés par un élève endeuillé. Où en est-elle ?
L'UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) a consacré un numéro de Réalités Familiales n°102-103 à la Famille et l'école avec un article sur les orphelins à l'école.
"Il est entendu qu’une relation constructive entre la famille et l’Ecole concourt à la réussite scolaire des enfants. Pourtant cette relation n’est pas si simple. Dans ce numéro de la revue, des experts et acteurs de terrain retracent pour certains la genèse et l’évolution de cette relation entre les familles et l’Ecole, pour d’autres décodent les clefs de la réussite et décrivent les actions concrètes menées pour créer ou recréer du lien entre ces 2 membres à part entière de la « communauté éducative »."
Références : INITIATIVES TERRAIN - La représentation familiale dans l’éducation. -Les actions des UDAF avec les parents et autour de l’école. FAVEC : Les orphelins à l’école.
Pour commander ce numéro : Réalités Familiales n° 102-103, « Familles et Ecole » Prix : 10 € + 3,15 € de frais de traitement, à commander à l’UNAF, Service Relations extérieures : 28, place Saint-Georges 75009 Paris Tél. : 01 49 95 36 00 - E-mail : realites.familiales@unaf.fr
La revue de santé scolaire & universitaire a publié un numéro spécial (Juillet-Août 2013, n° 22), centré sur la prise en charge des orphelins en milieu scolaire, dossier coordonné par Hélène Romano
"La place de l’institution scolaire et des professionnels de l’école est essentielle pour que ces enfants soient respectés en tant que sujets de leur histoire.Lire
en
Pdf : L'enfant
orphelin
« École et orphelins : mieux comprendre pour mieux accompagner » enquête de l'Ocirp en partenariat avec l’Ifop parue en 2017
" Il
s’agit là du premier programme de ce type développé par le pôle «
études et recherche » de la Fondation Ocirp : une démarche motivée par
la
double volonté de mettre en lumière la situation réelle des
orphelins, en leur donnant la parole, mais aussi de dégager des axes de travail pour
mieux les soutenir.
Les
résultats apportent des données précieuses quant au vécu des orphelins
dans notre pays, à leurs besoins et leurs souhaits, plus
particulièrement à l’école. L’enquête s’attache également à identifier
les attentes spécifiques et les interrogations des enseignants face aux
situations de deuil qu’ils rencontrent chez certains élèves au sein de
leur établissement." Sylvie
Pinquier-Bahda, Directrice
de la Fondation Ocirp.
Lire
en
Pdf
: Plaquette des Résultats
publiés
Des ados à la dérive...?
Les sociologues
pointent du doigt la corrélation entre les
taux de délinquance et
le jeune élevé en famille monoparentale (CHAMBAZ,
HERPIN).
Qu'en
est-il
de l'orphelin, le plus souvent en manque de père ?
En quoi
le risque de
précarité économique de la famille
endeuillée peut-il intervenir ?
Certains
spécialistes soulignent les risques majorés de
troubles
psychologiques, dépressifs, les tentatives de suicide, les
dépendances
addictives (drogue, etc.), des individus ayant subi
une "perte précoce".
Cependant,
les études
psychosociales
s'opposent. Certaines
affirment qu'il n'en est rien, les orphelins restent dans la moyenne
générale. Qui
croire ?
Lire sur le web
Les
orphelins développent souvent une force morale
supérieure à l'enfant ayant ces
deux parents, ensemble ou non. Encore
faut-il que le traumatisme,
les déséquilibres familial et affectif aient
été dépassé ... que la
reconstruction familiale ait suivi une route harmonieuse ...
Les
dérives surviennent généralement
lorsque l'enfance
baigne dans un cadre
de vie difficile. La situation financière de la famille
après deuil, si elle
s'enfonce vers la précarité, signe-t-elle
l'entrée
en zone dangereuse ?
Pourtant
La veuve comme l' orphelin méritent une "REconnaissance " sur la scène nationale.
Prendre en compte la spécificité du veuvage et de l'orphelinage nécessite de :
multiplier les actions de reconnaissance ... de mesurer l'aide à apporter ...de repenser la politique sociale en faveur des endeuillés, l'aide immédiate après un décès, l'aide administrative auprès des organismes, l'aide au quotidien ... un combat de longue haleine !
A lire en Pdf : Orphelins, des sous-sols de l’État aux tréfonds d'une douleur ...
Ces propositions attendent vos suggestions ...