Se retrouver orphelin absolu - situation heureusement exceptionnelle aujourd'hui - plonge l'enfant brutalement au fond d'un gouffre. C'est une expérience ressentie comme une amputation à vif, une solitude aussi soudaine que radicale.
Une telle situation se rencontre lors d'un accident ou éventuellement si, après le décès de l'un des deux, le parent veuf affaibli tombe malade, se suicide ou a un accident ("mortel veuvage").
La rupture est violente et génère de forts sentiments de culpabilité (celle du survivant : pourquoi eux, sans moi ... ?), tout en éprouvant une puissante révolte contre ces parents qui font subir une telle injustice à leurs enfants (Pourquoi m'ont-ils abandonné ?).
Il se sentira profondément trahi. Il vivra toute sa vie dans la crainte de la mort et de l'avenir. De fait, il aura beaucoup de mal à construire quelque chose de peur de tout perdre subitement (syndrome de l'abandon).
Il perd tous ses repères dans le sillage de ses parents, sa maison , sa ville, ses amis, etc. L'orphelin se voit plongé d'un coup dans la réalité brute, la vie matérielle, des responsabilités accablantes.
L'absence devient vite insupportable. Certains occultent ce passé heureux dans une amnésie protectrice. Le plus difficile sera sans doute l'absence de mémoire familiale si personne ne peut lui raconter qui étaient ses parents. Il les cherchera, tel Harry Potter dans le miroir magique.
Désormais, "Orphelin" sera une identité posée à vie autant pour les autres que de lui-même. Il sera "le sans-famille" comme une priovation essentielle d'identité. Il préfèrera parfois cacher cette réalité trop lourde à vivre. Il pourra aussi s'inventer des parents, riches et célèbres, comme S. MOATI le faisait enfant.
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Deux possibilités de placement s'imposent à l'enfant. Dans les deux cas, le code civil organise la tutelle des orphelins.
1- La famille (ou plus rarement des amis, marraine ou parrain). Le juge des tutelles contrôle ce placement jusqu'aux 18 ans de l'enfant et convoque le conseil de famille lorsque la situation le requière.
Le tuteur assure l'entretien de l'enfant et le représente pour les actes administratifs courants. Il est soumis au conseil de famille et au juge des tutelles pour les actes importants (notamment touchant à l'héritage de l'enfant : Décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008 sur les actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle).
Il est ainsi fréquent que l'enfant soit recueilli par ses grands-parents. Or, certaines retraites suffisent à peine à assurer le quotidien. D'autre part, leur âge et leur état de santé permettent-ils d'assumer un jeune ? Peuvent-ils affronter le deuil de l'orphelin alors qu'eux-mêmes viennent de perdre leur enfant ?
L'enfant peut être adopté par ses oncles et tantes ou être élevé au sein de sa fratrie si celle-ci est majeure. Mais cela représente une charge et une responsabilité lourdes. Il n'est pas rare que l'enfant se sente de trop, encombrant. Ce sentiment peut être provoqué par la situation et les interrogations des adultes qui l'entourent: "Que va-t-on faire de cet enfant ? Qui va le prendre en charge ? Qui peut l'assumer ? ". Il aura ainsi tendance à grandir plus vite, à se responsabiliser rapidement afin de ne plus dépendre des autres.
Quelle que soit les liens familiaux entre l'orphelin et ses tuteurs, le placement en famille esquisse la solution idéale, même si l'histoire s'écrit, difficile, douloureuse.
2- Si personne ne peut ou ne veut assumer la charge de l'enfant ou de la fratrie, le(s) mineur(s) sont confiés à l'aide sociale à l'enfance, et admis en qualité de pupille de l’État pouvant faire l'objet d'un projet d'adoption.
En 2013, 9 % des enfants reconnus pupilles de l'État étaient orphelins, soient environ 224 orphelins. Les adoptions s'avèrent exceptionnelles.
L'aide sociale à l'enfance décide alors le placement en institution (établissements social ou spécialisé) - parfois au sein d'une association de type Villages d'Enfants SOS (la fratrie réunie auprès d'une mère d'accueil) ou les Apprentis Orphelins d'Auteuil (fondation catholique, reconnue d’utilité publique depuis 1929, qui accompagne plus de 30 000 jeunes et familles fragilisés) ou être confié à une famille d'accueil.
A lire en pdf
G.Cesbron
(Chiens
perdus sans collier) ou J.L. Lahaye (Cent
familles) - -
témoignèrent - chacun à leur
manière - de la vie des enfants
placés à l'Assistance Publique puis DDASS ( et
aujourd'hui renommée Aide
Sociale à l'Enfance).
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Site web de l'association Cent Familles de J.L. Lahaye
Les orphelins de Duplessis (patronyme du premier ministre du Québec à l'époque des faits) furent faussement déclarés malades mentaux par le gouvernement du Québec, dans les décennies 1940-1960. C'est le cas le plus grave de maltraitance d'enfants dans l'histoire du Canada. Des milliers d'enfants orphelins furent ainsi concernés et confinés dans des institutions psychiatriques.
P.Verdier, spécialiste de l'aide sociale à l'enfance (ancien directeur de la DDASS), interrogé lors d'un récent reportage sur France 2, dénonçait l'instabilité offerte à ces enfants (toutes situations parentales confondues), ballottés de place en place, incapables de sécuriser leur avenir. Il propose, dans un ouvrage réédité depuis 20 ans (L'enfant en miettes), une réflexion destinée à faire évoluer les pratiques en faveur des enfants placés.
Sa conclusion interroge la responsabilité de l'État : Ne peut-il offrir d'autre chance aux jeunes (400 000 environ) qui lui sont confiés, que "Pas d'avenir" ?
Se pose ici un réel défi, appelant (et ce depuis trop longtemps) une véritable concertation publique. De sérieuses mesures - voir une refonte total du système - sont à repenser, visant cette priorité qu'est l'enfant, seul et nu devant une réalité subie, une vie sapée dès l'aurore.
Autre ouvrage de référence de Pierre Verdier et Fabienne Noé - Guide de l'aide sociale à l'enfance (Cet ouvrage de référence sur le sujet depuis plus de 30 ans a été entièrement remanié et enrichi en fonction des dernières modifications législatives et de la jurisprudence récente. Il constitue pour les administrations, les acteurs sociaux et les familles un outil indispensable.)
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Regards hors de France
Enfants orphelins dans le monde
Aujourd’hui, 153 millions d’enfants sont orphelins dans le monde.
Cet état de fait engendre des conséquences tragiques sur les droits et le développement de ces enfants.